La plupart du temps, lorsque l’on évoque l’accès aux médicaments dans le cadre de l’« usage compassionnel », il s’agit de l’accès de patients à des médicaments n’ayant pas encore obtenu d’autorisation de mise sur le marché (AMM).
Toutefois, deux remarques importantes s’imposent.
D’une part, le dispositif d’« usage compassionnel » est distinct de l’accès aux médicaments expérimentaux dans le cadre d’un essai clinique ou des MTI bénéficiant d’une exemption hospitalière.
D’autre part, le terme « usage compassionnel » est souvent utilisé pour désigner, de manière générale, divers dispositifs d’accès précoce existants au niveau national, ce qui entraîne une confusion entre les termes employés (parfois utilisés de manière interchangeable) et les procédures qui y sont associées selon les pays concernés. En réalité, ces dispositifs nationaux relèvent généralement de deux cadres juridiques distincts du droit de l’Union européenne : ce que l’on désigne juridiquement comme le dispositif d’« usage compassionnel » d’une part, et le dispositif dit « sur base nominative » (named-patient basis) d’autre part.
Bien que ces deux voies distinctes soient effectivement régies au niveau national, elles ne trouvent pas leur origine dans les mêmes dispositions juridiques de l’Union européenne, et ne sont donc pas soumises aux mêmes conditions.
En effet, les dispositifs d’usage compassionnel ont été établis au niveau national conformément à l’article 83 du Règlement (CE) n° 726/2004, tandis que les dispositifs « sur base nominative » ont été instaurés conformément à l’article 5.1 de la Directive 2001/83/CE.
L’une des principales différences entre ces deux voies réside dans leur champ d’application : la première concerne un groupe de patients, tandis que la seconde s’applique à un patient individuel.
Le tableau 1 ci-dessous synthétise les principales différences prévues par le droit de l’UE concernant ces deux dispositifs :
Dispositifs | Usage compassionnel | Base nominative (named-patient) |
---|---|---|
Base juridique | Article 83 du Règlement (CE) n° 726/2004 | Article 5.1 de la Directive 2001/83/CE |
Définition | Sous conditions strictes, pour des groupes de patients gravement malades (atteints de maladies mettant en jeu le pronostic vital, chroniques ou gravement invalidantes) | Pour une demande spontanée, justifiée, par un professionnel de santé autorisé, et destinée à un patient individuel |
Bénéficiaires | Un groupe de patients | Un patient individuel |
Conditions supplémentaires | Le médicament concerné doit : – faire l’objet d’une demande d’autorisation de mise sur le marché (AMM) OU – être en cours d’essai clinique | - |
Qui peut en faire la demande ? | Les demandeurs (généralement les fabricants ou les demandeurs d’AMM) auprès de l’autorité nationale compétente | Les demandeurs (généralement les médecins ou cliniciens) auprès de l’autorité nationale compétente |
Pourquoi ? | Dérogation générale à l’obligation d’AMM pour permettre l’accès des patients à un traitement | |
Comment ? | Selon les règles et procédures nationales | |
Dispositions complémentaires | Les autorités nationales compétentes peuvent demander une recommandation du CHMP (Comité des médicaments à usage humain) de l’EMA sur l’utilisation du médicament dans le cadre d’un programme d’usage compassionnel à l’échelle de l’UE | - |
Tableau 1 : Règles juridiques de l’UE pour les dispositifs d’« usage compassionnel » et de « base nominative »
Les États membres peuvent avoir mis en place des règles nationales pour l’un ou l’autre (voire les deux) de ces dispositifs, ce qui se traduit par des modalités d’accès aux médicaments variables selon les pays européens.
Le réseau des agences nationales du médicament (Heads of Medicines Agencies) a publié une liste des autorités nationales compétentes fournissant des lignes directrices sur les programmes d’usage compassionnel – cette liste est disponible en ligne, bien qu’elle doive être actualisée.
À notre connaissance, il n’existe pas de liste équivalente pour les dispositifs « sur base nominative ».
Il convient également de souligner que les autorités nationales compétentes peuvent solliciter une recommandation du CHMP de l’EMA quant à l’utilisation d’un médicament dans le cadre d’un programme d’usage compassionnel à l’échelle européenne (article 83.4 du Règlement 726/2004). Cette procédure n’a été utilisée que six fois à ce jour, notamment pour des médicaments contre la COVID-19, l’hépatite C et les virus grippaux, comme l’indique la page de l’EMA sur l’usage compassionnel.
Les patients peuvent ainsi avoir accès aux MTI selon les voies d’« usage compassionnel » ou de « base nominative », telles qu’établies dans leur pays.